Josef Reichholf - L'émergence de l'homme
Éthologie
"Pourquoi l'humain a-t-il quitté par trois fois l'Afrique alors que les conditions de vie y étaient excellentes?" se demande au début du livre, son auteur.
Précision. On quitte un lieu pour un autre sur une vie personnelle qui statistiquement évolue autour de 80 ans si tout se passe bien. S'il s'agit de groupes d'humains et sur une profondeur de siècles ou de millénaires, elle prend une autre allure, celle d'un questionnement sur un destin. Pensons aux juifs ou aux israéliens. Ils se dispersent il y a 2000 ans et reviennent à Jérusalem depuis 1900. En Israël, à qui poserons-nous cette question et qui nous répondra: les "hommes de la rue", les hommes d'état, les poètes ....
J. Reichhof parle de trois sorties: celle de l'erectus il y a 1 million d'années, celle du Neandertal il y a 200 000 ans et celle de l'humain, il y a 70 000 ans. Et il y répond tout seul comme le font des gens "cultivés" quand ils se mettent à expliquer la vie des gens "non cultivés": il n'est pas nécessaire de leur demander leurs avis.
L'auteur ne parle que de l'humain et tout le reste, non-humains et non-vivants - ne sert que de décor. En introduction, il verse une larme sur la difficulté à naître et à vivre de son héros préféré, l'homo sapiens: il marche sur deux membres donc il a mal dans les os et il a un gros crâne qui passe dangereusement à travers le vagin de sa mère. N'est-ce pas un vieux riche qui se plaint de ses rhumatismes à un vieil ami plus perclus que lui mais pauvre. Seules les souffrances des humains ont de l'importance. C'est inexact. Tous les vivants recherchent leurs ressources de vie et de reproduction et rencontrent les mêmes facilités ou les mêmes difficultés dans cette quête. Il n'y en a pas un qui souffre plus ou moins qu'un autre. Tous les vivants quittent ou ne quittent pas leur "paradis"
originel: c'est là l'une des multiples causes de leur évolution.
- L'Erectus s'aventure hors d'Afrique 1 à 2 millions d'années après être descendu de l'arbre et après avoir commencé à développer grâce à ses mains des outils / armes. Son cerveau passe de 600g à 1000g selon un processus très lent si on le compare aux chronologies multiséculaires de l'histoire des humains telle qu'on l'apprend aujourd'hui dans les 200 états de l'ONU, mais très rapide au regard des durées de l'évolution: l'émergence des "herbivores", des "carnivores" et des primates commencent avec la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années. Ce processus est complexe: plus l'humain améliore la pierre qu'il taille, plus sa sociabilité augmente car la sociabilité augmente à son tour l'efficacité de l'outil / arme. Et ces deux améliorations augmentent la capacité - contenu et qualification - du cerveau. C'est le début du cercle vertueux que l'on appelle le travail: la quête collective des ressources de vie qui amène l'humain à sa puissance actuelle en 2012. Néanmoins, il y a 1 million d'années, le progrès technologique n'en est qu'à ses débuts et les Erectus qui débordent d'Afrique ne s'en rendent pas vraiment compte. Chasseurs cueilleurs, ils se dispersent en quête de nouvelles ressources. Il y a des guerres, des paix et des exodes. Mais certains arrivent jusqu'en Chine vers 400 000 ans BP, on ne peut pas vraiment parler de la rapidité d'un éclair.
- Quand on compare Neandertal et Erectus, la différence est gigantesque. Ne l'appelle-t-on pas humain sapiens neandertalensis. Il est plus près de l'humain sapiens sapiens, c'est-à-dire de nous-même que de son ancêtre. Le seul inconvénient, définitif cependant, c'est que, soit pour des causes intrinsèques soit à cause de son successeur, il disparaît.
- Concernant Sapiens, J Reichhlof réitère sa question: pourquoi avons-nous quitté l'Afrique? Voici une parabole qui illustrera ce fait. Soit Jules et Jim qui un soir se disent que l'endroit qu'ils exploitent est trop petit pour leurs deux groupes familiaux. Comme ils s'aiment bien, ils décident de jouer cela à pile ou face. Pile choisit le premier. C'est Jules qui gagne: pile, il reste. Jim l'embrasse et il quitte les lieux avec les siens. Et après une très longue marche, il s'installe en un lieu qui deviendra un jour l'Europe. Des millénaires se passent. Nous voici à l'âge du fer. Les descendants de Jules sont hors-jeu: il n'y a pas de fer en Afrique en quantité critique pour créer un âge de fer. Mais l'Europe comme tout le continent eurasien se trouve dans l'Iron Belt, la ceinture du fer. Seul ce continent, contrairement aux Amériques, à l'Australie et, raison de plus, à l'Antarctique connaîtra cet âge. Cela donne un énorme coup de fouet aux descendants de Jim qui se multiplient comme étoiles dans le ciel ou grains de sable sur la plage et découvrent des armes / outils ultra modernes. Les descendants de Jules vivent heureux au paradis terrestre. Leur population est stable et ils ont gardé les armes / outils qui ont fait leur succès. Un jour, hélas, les descendants de Jim pour les mêmes raisons évoquées au début de cette fable émigrent / envahissent. Tous ont oublié qu'ils étaient frères. Il y a, alors, d'un côté des "non civilisés" durs à cuire mais vaincus d'avance et de l'autre "des envahisseurs", supérieurs. Jetons un coup d’œil sur les Terminators américains face aux afghans en bérets de laine et reportons-nous aux manuels d'histoire de tous les pays pour les suites de cette parabole.
La réponse à la question sur les raisons qui nous ont fait quitté l'Afrique est simple. L'espèce humaine grâce à ses mains acquises dans les arbres, son cerveau et sa sociabilité ne cesse de progresser en nombre et naturellement elle s'étend sur le territoire terrestre. Il y a des lieux fertiles en agriculture ou en ressources non agricoles et des lieux stériles avec tout un dégradé qui va de l'un à l'autre. Et les peuples qui y vivent en dépendent. Le classement des états par l'importance de leur PIB par habitant en est une bonne illustration. Ce n'est pas un classement absolu mais relatif. Exemple 1: on découvre du pétrole dans le sous le sol saoudien, aussitôt les bergers font construire des gratte-ciels. Exemple 2: un pays - la Chine - refuse la révolution industrielle et préfère un vaisseau amiral en marbre en rade du Palais de Pékin, et c'est la décadence
A l'échelle de l'évolution, les humains ne sont qu'une seule et même espèce. Plus généralement, tous les vivants sont soumis aux mêmes règles de recherche des ressources de vie et de reproduction.
Et la Terre n'est qu'une infime poussière dans l'Univers, dont nous sommes partie intrinsèque et pour chacun des vivants, l'essentiel c'est sa vie de 80 ans s'il s'agit d'un humain.